Cela fait vingt ans que je me suis engagée au sein de la société civile d’abord comme travailleuse humanitaire et ensuite en tant que praticienne de développement organisationnel. Mon travail de tous les jours est d’accompagner les organisations de la société civile afin qu’elles atteignent leur potentiel et deviennent résilientes et stratégiques. Travailler aux côtés des organisations de la société civile m’a permis d’avoir une vue d’ensemble sur les facteurs qui freinent l’efficacité et le développement de ces organisations.
« Soyez le changement que vous voulez voir dans ce monde » (Ghandi)
Tout le monde est d’accord : les cordonniers sont les plus mal chaussés et les acteurs de la société civile n’échappent pas à cette situation. Il faut reconnaître que les actions de développement n’ont pas donné les résultats qu’on attend depuis des décennies, que les actions environnementales n’ont pas empêché le réchauffement climatique, que malgré le développement de la technologie dans le secteur agricole, les gens continuent de mourir de faim ? Nous sommes d’accord là-dessus.
Nous confirmons souvent que les organisations de la société civile qui essayent d’accompagner les communautés dans leurs autonomies demeurent elles même dans la dépendance, elles veulent rendre les états responsables de leurs actions envers les populations alors qu’elles-mêmes ne le font pas envers les communautés qu’elles défendent ou représentent. Elles réclament la gouvernance participative, le fameux CLIP (Consentement Libre, Informé et Préalable), quand elles-mêmes sont dans une gouvernance ultra hiérarchique avec une identification de l’organisation au fondateur. Questionne-t-on le fait qu’il y ait un tel écart, une telle dissonance cognitive, une telle schizophrénie ?
Ce qu’on voit autour de nous
Que refusons-nous de voir ? Ou plutôt qu’est-ce que nous voyons autour de nous, que voient réellement ces acteurs de la société civile ?
- des états autocratiques et corrompus qui se soucient que très peu de l’intérêt général,
- des partenaires qui imposent leurs règles et leurs conditions sans aucune forme de concertation et de prise en compte de ce qu’elles peuvent apporter,
- des critères d’éligibilité qui privilégient la forme au fond,
- des partenariats inégaux où elles ne sont qu’exécutantes et sans aucun pouvoir,
- l’accès au financement qui dépend de la possibilité d’avoir mobilisé du cofinancement.
« Faites ce que je dis et pas ce que je fais »
En fin de compte, quelle est la pratique des organisations de la société civile ? Une réplication de ce qu’elles voient, de ce qu’elles croient désormais être la norme :
- elles exigent des principes à leurs salariés sans prendre en compte leurs perspectives,
- elle développent des projets et les imposent aux communautés sans les consulter,elles s’efforcent de satisfaire leurs donateurs plutôt que les personnes pour lesquelles elles se battent.
Ça y est, on est excusé, ce n’est pas notre faute !
Si nous ne faisons pas attention, la déresponsabilisation peut devenir une excuse pour ne pas assumer ses responsabilités. Ne dit-on pas que le pouvoir et la responsabilité sont les deux faces d’une même pièce ?Le changement commence par nous, enlevons la poutre qu’il y a dans notre œil avant d’enlever la paille qu’il y a dans celle du voisin.