On entend régulièrement parler de la foresterie communautaire, mais comment fonctionne-t-elle vraiment, et quels sont ses avantages pour les populations? Ce mois-ci, c’est Carmel Kifukieto, chargé de programmes au Centre d’Appui à la Gestion Durable des Forêts Tropicales (CAGDFT), l’une des organisations que nous soutenons en République Démocratique du Congo, qui nous répond au sujet des différents aspects de cette pratique.
- Qu’est-ce que la foresterie communautaire ?
La foresterie communautaire est un ensemble de pratiques, techniques et méthodes d’utilisation de la forêt et des ressources naturelles qui en dépendent, et est réglementée par des textes juridiques précis prévoyant la participation des communautés locales. Ceci est illustré par cette phrase : « une communauté locale peut, à sa demande, obtenir à titre de concession forestière, une partie ou la totalité des forêts protégées parmi les forêts régulièrement possédées en vertu de la coutume ». La foresterie communautaire est donc une responsabilisation des communautés locales ou des peuples autochtones dans la gestion des espaces forestiers et de leurs ressources (produits forestiers non ligneux, biodiversité animale, écotourisme, bois d’œuvre…). A terme, elle est donc une restitution historique des droits de propriété aux communautés locales ou aux peuples autochtones.
Le but ultime de la foresterie communautaire est la réduction de la pauvreté en milieu rural. En valorisant les ressources disponibles, les communautés peuvent générer des revenus pour financer des projets de développement communautaire, tels que la construction d’infrastructures scolaires ou sanitaires. De plus, la foresterie communautaire peut améliorer la cohésion sociale par l’utilisation d’une approche participative, utilisée lors de la cartographie des concessions de forêt, et ainsi résoudre les conflits fonciers entre communautés voisines.
- De quelle manière les communautés bénéficient-elles de la Foresterie Communautaire ?
Elle permet aux communautés locales et/ou peuples autochtones de sécuriser leurs espaces coutumiers en obtenant une Concession des Forêts des Communautés Locales (CFCL) à titre perpétuel; ainsi, elles peuvent les gérer de façon communautaire en vue de garantir leurs droits et de protéger leurs moyens de subsistance (alimentation, pharmacopée, source de matériaux pour habitat…) De plus, en exploitant et valorisant les ressources disponibles dans ces espaces, les communautés peuvent augmenter leurs revenus pour un développement durable.
- Où en sommes-nous dans le processus de foresterie communautaire en République Démocratique du Congo ?
Le processus de la foresterie communautaire en RDC a atteint sa phase de mise en œuvre depuis que l’arsenal juridique est complet ; celui-ci règlemente la procédure d’acquisition des concessions de forêts, leur exploitation et leur gestion. Actuellement, des dossiers de demandes de concessions par les communautés riveraines sont en cours. Les premières concessions ont été attribuées dans diverses provinces; il reste à voir comment celles-ci vont évoluer dans le cadre des orientations édictées par la loi (réduction de la pauvreté, gestion durable des ressources).
- Quel est le rôle de CAGDFT dans ce processus ?
Le Centre d’Appui à la gestion durable des forêts tropicales (CAGDFT) est une organisation non gouvernementale de droit congolais œuvrant dans le secteur de l’environnement. CAGDFT a beaucoup travaillé, et continuera à le faire, pour une gestion des forêts garantissant les droits des communautés locales. Elle possède une grande expertise en matière de foresterie communautaire puisque son directeur exécutif, Théophile Gata, est l’un des pionniers dans ce domaine en RDC.
Nous sommes l’une des trois organisations de la société civile membres d’un consortium créé pour mettre en œuvre la foresterie communautaire en RDC. Dans ce cadre, notre rôle est de renforcer les capacités des acteurs impliqués dans l’accompagnement de proximité des communautés locales pour l’obtention, la gestion et l’exploitation des CFCL. A ce titre, il permet, à travers la mise en place d’un cadre de concertation multi-acteurs, de dégager des consensus sur toute question pouvant se poser (par exemple, l’usage d’une CFCL contigüe à une aire protégée).
- Quels sont les résultats de l’action de CAGDFT dans le processus de foresterie communautaire ?
A ce jour, CAGDFT a organisé quatre tables rondes nationales regroupant des acteurs issus de la société civile, des partenaires techniques et financiers, des bailleurs de fonds, des représentants des communautés locales, des autorités coutumières, des institutions de recherche et de l’administration, pour faciliter le dialogue et harmoniser leur perception de la foresterie communautaire. Nous avons également organisé six sessions de sensibilisation et d’information au profit des autorités politico-administratives dans cinq provinces (Nord Kivu, Equateur, Tshopo, Tsuapa, Mai-Ndombe et Ituri), permettant ainsi de mieux définir les rôles et responsabilité de chacun dans la mise en œuvre de la foresterie communautaire. CAGDFT est enfin très fier d’avoir aidé la RDC à se doter d’une stratégie nationale sur la foresterie communautaire, validée tout récemment les 10 et 11 août 2017, au-delà des différences de points de vue entre l’administration et la société civile et à l’intérieur de cette dernière.
- Comment la collaboration entre CAGDFT et Well Grounded a-t-elle contribué à ces résultats ?
Well Grounded est une organisation partenaire très importante pour CAGDFT, qui nous soutient depuis 2016 pour nous permettre de jouer un rôle clé dans la mise en œuvre de la stratégie nationale de foresterie communautaire. A travers sa politique de renforcement institutionnel, Well Grounded soutient CAGDFT pour sa structuration: cet appui nous a permis de développer une vision, de clarifier nos objectifs et de développer un plan d’action. Il renforce ainsi de façon continue les capacités du personnel de CAGDFT, afin que nous puissions continuer à agir efficacement en faveur des peuples autochtones et communautés locales en RDC.
CAGDFT est l’une des trois OSC congolaises, aux côtés de GASHE et RRN, qui mettent en œuvre avec des partenaires internationaux (InCap, Well Grounded, Rainforest UK) le projet de foresterie communautaire en RDC avec le soutien financier de DFID.