Avez-vous déjà eu une révélation en écoutant un morceau qui décrit exactement ce que vous ressentez ? Vous savez, cet instant où vous vous dites : mais oui, c’est ça ! Je sais ce que c’est.
Alors imaginez que les paroles ne disent pas seulement ce que vous ressentez, mais aussi votre façon de voir le monde, vos idées sur la manière de s’y prendre pour changer les choses, votre vision personnelle, vos valeurs. Vous allez me dire que cela ne doit pas arriver souvent. Peut-être, mais attendez d’avoir lu mon histoire.
Je viens de l’Afrique, plus précisément de la République démocratique du Congo (RDC). D’un continent et d’un pays qui ont connu et qui continuent de connaître les affres de la pauvreté, de la maladie, des conflits et des catastrophes naturelles. D’Ébola en Afrique de l’Ouest, à l’explosion du lac Nyos, en passant par les six millions de victimes du conflit qui a déchiré la RDC, les migrants qui prennent la mer au péril de leur vie pour échapper à la guerre civile, les inondations dévastatrices au Malawi : le tableau semble n’offrir aucun espoir.
Et pourtant, la bravoure, le courage et la détermination des habitants de mon continent n’ont rien à envier à ceux des gens que j’ai pu rencontrer ailleurs. Ces hommes et ces femmes se démènent pour changer le cours des choses et la destinée du continent. Pendant des années, j’ai apporté ma pierre à ce changement par toutes petites touches : j’ai enseigné, parrainé des jeunes, contribué à résoudre des conflits relationnels, accompagné de jeunes entrepreneurs et collaboré avec des associations axées sur la communauté locale, et des peuples autochtones.
J’ai essayé d’agir pour changer les choses à un certain niveau, mais je savais que je me dispersais. C’est que je n’y pouvais rien : je m’éparpillais parce que je porte le fardeau du retard de développement de mon pays et de mon continent, et de l’immense effort à fournir pour changer durablement les choses pour mon peuple. Je ne me suis jamais arrêté ; j’ai continué à travailler au plus près des collectivités et des petites organisations de la région des Grands Lacs en Afrique, tout en essayant de comprendre comment j’allais parvenir à canaliser mon énergie et concrétiser ma passion pour le changement à l’échelon local.
Puis en 2014, j’ai rencontré Well Grounded. Ils recherchaient un praticien passionné par le développement organisationnel pour renforcer leur équipe. Les expressions « passionné » et « occasion de travailler dans le bassin du Congo » me parlaient, mais le terme « praticien du développement organisationnel » moins. J’ai pensé que c’était du jargon technique que l’on entend à l’université, dans les associations sans but lucratif et la sphère des ONG internationales (ONGI). Ça ne m’emballait pas vraiment ! (et dire que je viens d’écrire ONGI !).
Puis, quand j’ai lu la description du poste avant d’envoyer ma candidature, je me suis aperçu que le langage m’était familier, que les valeurs entraient directement en résonance avec les miennes, et que l’approche ressemblait à une version plus aboutie du travail que je faisais depuis de longues années. Si ce terme « praticien du développement organisationnel » continuait à me déranger, il y avait une phrase de la description de poste qui m’enthousiasmait : « accompagne les organisations locales africaines dans l’accomplissement de leurs objectifs, le renforcement de leurs capacités, de la façon qui leur convient. » C’est là que j’ai eu ma révélation. Comme je l’ai déjà dit, c’était comme quand un DJ passe un morceau qui décrit exactement ce que vous ressentez.
Une flamme s’est allumée en moi ! J’ai travaillé corps et âme à ma candidature, avec ma tête aussi, et j’ai eu la chance d’être choisi pour rejoindre l’équipe de Well Grounded à Yaoundé. Une fois intégré, mes collègues m’ont présenté leur façon de travailler, et puis j’ai commencé à vraiment comprendre ce que cela voulait dire d’être un « praticien du développement organisationnel ».
Pendant mes trois premiers mois à ce poste, j’ai retrouvé ce qui m’avait d’abord attiré chez Well Grounded : le soutien des organisations locales (et en même temps, des collectivités auprès de qui elles interviennent) qui s’efforcent de renforcer leur identité, leur stratégie et leur structure, avec comme seule motivation la volonté d’aider les organisations de la société civile de la région du bassin du Congo à influer davantage sur le cours des choses. Ce qui correspond parfaitement à mes valeurs personnelles, et apporte une cohérence à mes activités dispersées visant à autonomiser les collectivités et organisations locales. J’ai trouvé la fonction idéale qui me permet de réaliser ma vision personnelle et me donne l’occasion de travailler aux côtés de belles personnes avec la même sensibilité. J’ai trouvé une façon efficace de contribuer aux activités de centaines d’autres militants qui sont le moteur de la transformation du continent en faveur de son développement, de son environnement et de sa population.
Je me rends compte que le développement organisationnel est un ensemble d’outils et une méthode d’autonomisation des organisations de la société civile, un processus de changement qui repose sur les personnes qui sont les véritables spécialistes : les acteurs à l’échelon local et les animateurs de la société civile. En étant praticien du développement organisationnel, j’ai appris à canaliser mon énergie et focaliser ma passion au service du renforcement des capacités d’autonomisation des collectivités.
Merci madame la DJ d’avoir passé mon morceau !