Sécuriser les droits des communautés locales et peuples autochtones constitue un défi majeur en République Démocratique du Congo (RDC). La situation des droits humains y est l’une des plus critiques au monde. Le droit est appliqué de façon erratique et les biens, dont la terre, sont régulièrement spoliés. La plupart des lois favorables à une éventuelle reconnaissance des pratiques et des droits coutumiers des populations rurales demeurent lettre morte.
Pourtant, la Foresterie Communautaire, un ensemble de procédures, modalités et pratiques relatives à la gestion des forêts par les communautés locales en vue de leur développement socio-économique, a été adoptée comme l’un des modes de gestion du domaine forestier en RDC. Grâce à cette consécration légale, une communauté locale qui le désire peut solliciter et obtenir une concession forestière sur une partie ou la totalité des forêts protégées parmi celles qu’elle possède en vertu de la coutume. La foresterie communautaire (FC) a pour ambition de fédérer toutes les parties prenantes en promouvant une vision partagée, et en assurant la pleine participation des différents acteurs intervenant dans le secteur. Pour y parvenir, il s’avère nécessaire de réfléchir sur l’importance accordée à la Diversité et à l’Inclusion dans ce processus.
Dans l’approche Diversité et Inclusion, les diverses particularités sociales et culturelles dans une famille ou dans une organisation sont prises en compte, et toutes les parties prenantes sont impliquées dans toute action menée ; ceci favorise une pleine participation dans la vie communautaire. Dans le cas contraire, des inégalités conduisent à des pratiques discriminatoires et des distributions injustes du pouvoir, qui entravent le développement. De ce point de vue, la Diversité et l’inclusion dans le processus de la foresterie communautaire permettent la participation effective des communautés locales et peuples autochtones à la gestion durable des ressources de leurs terroirs afin qu’elles en tirent un bénéfice réel. Ceci n’est pas acquis d’avance car il faut travailler sur l’exclusion. En observant les éléments clés de l’approche fondée sur les droits, nous relevons plusieurs pratiques qui ne respectent pas la Diversité et l’inclusion:
- Les liens directs avec les droits de la personne : nous constatons que les droits des personnes cédant une portion de forêt n’ont pas été listés. Cette liste de droits devrait être établie, dans le but de les promouvoir dans toutes les phases du processus.
- Les outils de gestion des concessions forestières des communautés locales ont été élaborés par des experts de la société civile et de l’Administration ayant en charge les forêts; les communautés locales sont considérées comme des bénéficiaires, sur qui il faut tester les outils élaborés.
Il aurait été souhaitable que les outils de gestion des CFCL soient élaborés avec les communautés locales et non pour les communautés locales.
- Responsabilisation : Le processus de la foresterie communautaire n’a pas mis sous la loupe le déséquilibre de pouvoir entre les débiteurs d’obligations et les détenteurs de droits. Pour ce faire, des listes de parties prenantes devraient être établies pour que les personnes concernées soient tenues responsables de possibles négligences ou violations des droits humains.
- Non-discrimination :Les personnes spécialement vulnérables, telles que les femmes ou les enfants, n’ont pas été listées ni ciblées. Aucune mesure spécifique ne prône l’inclusion de ces populations. De ce point de vue, les personnes marginalisées sont considérées comme bénéficiaires et non comme détenteurs de droits. C’est ainsi que naissent les inégalités et les pratiques discriminatoires.
- L’autonomisation: Le processus de FC ne prévoit pas comment les communautés locales peuvent revendiquer leurs droits et comment contraindre les débiteurs d’obligations à les remplir. Si le processus faisait valoir les droits des personnes au lieu de satisfaire les besoins de bénéficiaires, cela créerait une dynamique en termes de responsabilité et d’auto-mobilisation. C’est pour cette raison que CAGDFT organise un cadre fédérateur (Tables Rondes nationales et provinciales) où les différents acteurs de la foresterie communautaires échangent leurs expériences et points de vue.
En conclusion, reconnaissons qu’une approche fondée sur les droits humains mène à des résultats de développement humain meilleurs et plus durables. Il est donc temps d’accorder dans le processus de la foresterie communautaire plus d’attention aux inégalités entre les strates sociales et de les aborder dans une perspective inclusive de gouvernance forestière durable.