Le leadership est un élément essentiel qui contribue au succès ou à l’échec des Organisations de la Société Civile (OSC). Lorsqu’il est correctement cultivé dans une organisation, il peut représenter la panacée qui contribuera à la stabilité et la croissance des OSC.
Pourtant, il constitue souvent le maillon faible dans les OSC travaillant dans le Bassin du Congo. D’après l’expérience de Well Grounded dans la région, le leadership « affecte tous les aspects d’une organisation, et peut donc avoir une influence forte, qu’elle soit positive ou négative, sur la capacité d’une organisation à atteindre l’impact qu’elle désire » (Série de Discussions Well Grounded 2016, Numéro 1- non publié).
Dans le cadre de notre travail intensif dans le Bassin du Congo depuis 2010, nous avons identifié quatre difficultés principales concernant le leadership dans les OSC africaines. Celles-ci incluent :
- Le leadership centralisé : Il s’agit d’un système hiérarchique de gouvernance interne avec une approche strictement descendante. Le pouvoir est souvent détenu par une ou quelques personnes. L’information n’est pas largement partagée et la prise de décision n’est pas participative. Certaines responsabilités et tâches ne sont pas déléguées par manque de confiance dans les capacités des collègues, par peur de perdre le contrôle sur le résultat ou parce que détenir l’information signifie détenir le pouvoir, et la possibilité de l’exercer.
- Leadership tourné vers l’extérieur : Dans cette situation, les leaders ont tendance à mettre plus de priorité sur leur rôle externe au lieu de dédier un temps et un effort suffisants à la gestion de l’organisation et à sa croissance. Ces leaders ne fournissent pas un soutien adapté à leur équipe et ne s’assurent pas que des systèmes adéquats soient mis en place pour assurer un bon fonctionnement de l’organisation.
- Le syndrome du fondateur : Ceci concerne la longévité, et parfois la présence permanente, de certains leaders. Cette situation conduit souvent à l’absence d’une émergence ou du mentorat d’une nouvelle génération de leaders. L’expérience de transition entre leaders est de ce fait limitée. Ceci crée des barrières au développement sain de l’organisation.
- La confusion entre leader et leadership : Beaucoup de personnes ne comprennent pas vraiment que le fait d’être un « leader » implique d’occuper une position dans une structure et de jouer un rôle de mobilisation alors que le « leadership » est un ensemble d’attitudes, de qualités et de compétences que toute personne peut développer.
Une analyse pratique de difficultés reliées au leadership nous a montré qu’il pourrait aussi exister des « leaders autocentrés » à la tête de certaines OSC dans la sous-région. Ces types de leaders pourraient ne pas présenter les qualités de leadership nécessaires pour mener des OSC. Ils pourraient présenter une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :
- Ils peuvent faire de l’excès de zèle, être excessivement impliqués et avoir tendance à tout faire eux-mêmes. Ils sont donc dépassés par la quantité de travail dont ils se chargent.
- Ils tendent à penser que le succès de l’organisation dépend uniquement de leurs efforts.
- Ils peuvent ne pas impliquer les membres de leur équipe dans les processus de prise de décision et dans la distribution des tâches parce qu’ils ne reconnaissent pas ni n’apprécient la valeur ajoutée de leurs collègues.
- Ils ne montrent pas toujours leur confiance dans leurs équipes et peuvent ne pas trouver important de construire la confiance de leurs collègues envers eux.
Dans ce cas, les membres de l’équipe peuvent percevoir le leader comme un dictateur, qui contrôle totalement tout ce qui se passe dans l’organisation. Ceci peut conduire à une situation malsaine, dans laquelle les membres de l’équipe ne s’impliquent pas totalement pour atteindre la vision et la mission de l’organisation.
Pour améliorer cette situation, Well Grounded a créé un programme de développement du leadership, avec le soutien de DFID. Celui-ci rassemble des leaders d’OSC dans le Bassin du Congo pour apprendre à connaître les styles de leadership et les qualités de chacun, acquérir de nouvelles compétences en leadership et partager leurs succès et leurs difficultés.
En avril 2017, la seconde phase de ce programme a rassemblé 21 participants venant d’11 OSC du Cameroun et de République Centrafricaine. Pendant sept jours, les compétences en leadership des participants ont été affutées.
Elias Djoh, coordinateur de ROLD, une organisation basée au Cameroun, s’est montré très satisfait. À la fin de la formation, il affirmait avoir fait l’expérience d’une évolution dans son tempérament, qui auparavant menait souvent à des échanges houleux avec ses collègues et partenaires. « Dans le passé, je n’étais pas à l’écoute et je voulais toujours faire entendre mon point de vue. Cette formation m’a aidé à réaliser qu’en tant que leader, je dois être plus à l’écoute. »
Pour Julien Mathe, Coordinateur de GASHE, une OSC de la République Démocratique du Congo, qui a participé à la formation en leadership offerte par Well Grounded en juin 2017 :
« La formation en leadership m’a permis d’approfondir ma connaissance de moi-même. Grâce au concept d’intelligence émotionnelle, j’ai réalisé l’importance d’écouter de façon plus complète (émotions et actions) dans mes interactions avec mes collègues. J’ai aussi mieux compris les modèles mentaux qui façonnent sans que nous le sachions notre comportement et la manière dont nous travaillons. Cette connaissance me donne une nouvelle perception de la manière dont je travaille, délègue et collabore. »
Le programme de développement du leadership contribue à former de meilleurs leaders pour les OSC. Les participants acquièrent une meilleure connaissance de leur style de leadership et de l’impact de celui-ci sur leurs organisations. La plupart font maintenant d’énormes efforts pour mettre en application les leçons apprises pour devenir de meilleurs leaders. Nous observons un changement d’attitude positif chez la plupart des participants, ce qui crée un effet d’entraînement dans les organisations.