« Des apiculteurs en larmes »

Fin Février, Wirsiy Emmanuel Binyuy, le directeur de CAMGEW, a été prévenu qu’un feu de forêt, apparemment déclenché par un fermier à Bikhov, une petite communauté de la subdivision de Jakiri, dans le Nord-Ouest du Cameroun, était hors de contrôle et qu’il menaçait de s’étendre à toute la forêt de Kilum-Ijim, qui couvre plus de 20 000 hectares. La forêt de de Kilum-Ijim est une zone de forêt pluviale montagneuse, située sur le Mont Oku et la Crête d’IJim avoisinante, dans les montagnes camerounaises.

Malgré une forte mobilisation communautaire, il a fallu plus de sept jours de dur labeur pour finalement parvenir à éteindre le feu, qui a eu des conséquences dévastatrices. Les autres communautés, qui voyaient le feu arriver aux limites de leur forêt, avaient commencé à aménager des coupe-feux pour l’empêcher de continuer à s’étendre.

Cameroon Gender and Environment Watch (CAMGEW) est une organisation communautaire basée à Oku, dont l’objectif est de promouvoir la conservation de cette forêt. Well Grounded travaille à ses côtés depuis 2015.

CAMGEW travaille avec les habitants des communautés vivant près de la forêt de Kilum-Ijim pour promouvoir des activités de subsistance alternatives, afin d’assurer que le patrimoine forestier ne soit pas menacé. CAMGEW soutient les membres de la communauté afin qu’ils plantent des arbres, assurant ainsi la régénération de la forêt, et qu’ils s’engagent dans une activité apicole commerciale. La pratique de l’apiculture encourage ses usagers à protéger les arbres de la forêt qui favorisent la production de miel.

L’incendie qui s’est déclaré en Février a causé à CAMGEW et à ses bénéficiaires d’énormes pertes: “Cet incendie a détruit une part importante des arbres que nous avions plantés en 2015: 4500 ont brûlé, ainsi que plus de 400 ruches. En tout, 820 hectares de forêt ont été détruits”.

Les membres de notre communauté ont vu une grande partie de leurs ruches détruites par des feux de forêt: au total, 1124 ruches contenant des abeilles et 624 ruches vides. 45 apiculteurs ont déclaré avoir déjà perdu certaines de leurs ruches.

Sole Dzefoteer, l’un des bénéficiaires de CAMGEW, a perdu la totalité de ses 88 ruches, et Ngum Ndijia en a perdu 80. Tous les deux ont regardé, impuissants, leur principale source de revenus se tranformer en cendres.

Une nouvelle coopérative, appelée Bikov Oku White Honey Cooperative, avait été récemment créée; les nouveaux apiculteurs ont perdu presque toutes leurs ruches.

De nombreux activistes environnementaux tentent de combattre la pratique des feux de forêt; ils estiment que la forêt devrait être mieux protégée par le gouvernement:

« Il est grand temps que le gouvernement intervienne dans ce problème des feux de forêt. Certains sont occupés à construire, pendant que d’autres, dans leur ignorance, détruisent. Nous devons apprendre d’autres pays comment protéger notre forêt. Servons-nous de l’expérience du Kenya. Nous devons mettre un terme à tous les feux en extérieur, peu importe leur taille. Toute personne prise en flagrant délit [d’allumage de feu] doit être confronté à la justice. Nos parlementaires doivent se saisir de ce problème. Nos forêts sont notre vie” (Njini Primus John-Paul, activiste pour la conservation forestière).

Cet incendie a réduit en cendres des années d’efforts de conservation de la forêt, de replantage et d’économie apicole. Les fermiers démarrent souvent des feux, car ils croient que brûler la végétation avant de cultiver peut contribuer à de meilleures récoltes. CAMGEW continue sans relâche à remettre cette pratique en question à travers ses efforts de sensibilisation, par exemple à travers des programmes de radio ou une lettre ouverte envoyée aux journaux locaux.

“Tout ce que nous pouvons faire, c’est sensibiliser la communauté à travers des séminaires, des conférences, des jeux, des affichages, etc. sur les dangers des feux de forêt. C’est de cette manière que le projet de gestion de la forêt de Kilum a réussi dans les années 90. Je dis cela car j’ai participé à la plantation d’arbres en limite de la forêt en 1990, et les panneaux mettant en garde contre les feux de forêt étaient présent partout dans et autour de la forêt”. (Moses Chung, activiste pour la conservation forestière).

Des acteurs de la société civile font appel au gouvernement pour qu’il se joigne à leurs efforts dans la lutte contre les feux de forêt et leurs conséquences désastreuses pour les communautés forestières. En attendant, ils continuent leur travail de prévention et leurs campagnes de sensibilisation.

2022-03-11T13:48:54+00:00avril 22nd, 2016|
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