Comment impliquer les femmes dans la gestion forestière : Leçons apprises en RDC

« Les femmes, et en particulier les femmes autochtones, doivent être incluses dans le processus de prise de décision sur l’utilisation des écosystèmes à tous les niveaux, du fait du rôle essentiel qu’elles ont à jouer dans la préservation de notre planète. » ONU Femmes

Ruth Badubaye travaille depuis plusieurs années avec des communautés vivant dans les forêts tropicales de la République Démocratique du Congo (RDC). Auparavant technicienne SIG (Systèmes d’Information Géographique) auprès de l’organisation congolaise GASHE (Groupe d’Action pour Sauver l’Homme et son Environnement), Ruth fait désormais partie de l’équipe du projet de Rainforest Foundation UK sur les Forêts Communautaires dans la province de l’Equateur, en RDC. Membre d’une petite équipe d’animateurs communautaires spécialisés en droit, agronomie et sociologie présents sur le terrain, elle travaille directement avec les communautés locales pour les aider à gérer leurs forêts de façon durable.

Les lois autorisant les communautés locales à gérer leurs propres forêts sont en place depuis moins de deux ans. Le travail de Ruth et de ses collègues chez GASHE consiste à aider ces groupes à se familiariser avec la législation pour mettre en place et gérer leurs propres forêts communautaires officiellement reconnues. Ceci implique un grand travail de sensibilisation dans plusieurs villages, qui représentent au total une zone de 110 000 hectares et environ 20 000 personnes.

L’un des aspects les plus importants du travail de Ruth consiste à s’assurer que les femmes dans ces villages sont impliquées tout au long du projet. Comme elles sont souvent négligées ou exclues des processus traditionnels de prise de décision, ce travail peut s’avérer difficile.

Claire Parfondry, coordinatrice du projet forêts communautaires de Rainforest UK (RFUK), s’est récemment entretenue avec Ruth pour discuter de ses expériences sur le terrain auprès des communautés des forêts tropicales.

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Claire (RFUK): Merci de nous accorder cet entretien, Ruth. Pouvez-vous nous expliquer comment les communautés des sites pilotes ont réagi à ce projet de foresterie communautaire jusqu’à présent ?

Ruth : La réaction des communautés a été un peu compliquée dans un premier temps… Il y a à la fois une concession d’exploitation forestière et une réserve à proximité, et elles ont donc pensé que nous étions peut-être ici pour ces raisons, que nous allions leur prendre leurs forêts, les transformer en parc ou en exploitation industrielle. Cependant, après que nous leur avons expliqué l’objectif du projet, elles ont compris qu’elles avaient là une vraie opportunité de pouvoir gérer leurs propres forêts. Finalement, la plupart des communautés ont décidé d’adhérer au processus.

Claire : Racontez-nous votre expérience avec les groupes de discussion de femmes dans ces communautés.

Ruth : Il y a des communautés dans lesquelles les femmes sont plus engagées que les hommes. Certaines femmes qui ont été choisies comme représentantes de la communauté sont très impliquées, très actives. Cependant, dans d’autres sites (ceux plus éloignés de Lukolela Cité), elles étaient moins actives et moins ouvertes…

Dans les grandes réunions, les femmes ne se sentent parfois pas libres ou à l’aise pour répondre à des questions – par exemple, parce que leur beau-père ou gendre est présent et qu’elles ont peur que ce qu’elles vont dire soit une source de honte pour la famille. C’est culturel… Mais après que nous avons engagé un dialogue avec elles, elles ont parlé plus facilement et de façon plus ouverte. Elles sont même allées plus loin, et ont commencé à parler de sujets intimes. Elles ont posé beaucoup de questions et se sont montrées réellement intéressées par le projet.

Claire : Pouvez-vous nous parler d’une des membres de la communauté rencontrées au cours de votre travail qui vous ait réellement inspirée ?

Ruth: L’une des femmes que nous avons rencontrées est la présidente d’une association locale dans un village. Elle a beaucoup d’idées qui, si elles étaient mises en œuvre, pourraient vraiment aider la communauté. Par exemple, elle voudrait avoir un grand champ pour pouvoir cultiver des plantes différentes. Une partie de l’argent pourrait aller dans un fonds commun pour que si un foyer a un problème tout le monde puisse l’aider. Elle veut mettre en place ces activités dans le but d’unir les femmes, créer des espaces pour parler d’hygiène et d’éducation, pour s’assurer que leurs enfants étudieront et pour donner du pouvoir aux autres femmes qui peuvent penser qu’elles ne sont là que pour nettoyer ou se reproduire.

Sur un autre site, il y a une femme qui est enseignante, elle nous a beaucoup étonnés. Pendant les réunions et les groupes de discussion elle était très active, très sûre d’elle lorsqu’elle prenait la parole. On pouvait vraiment sentir qu’elle voulait que les choses changent. Par exemple, elle a pris les choses en charge pendant notre formation – elle était toujours prête à parler, à poser des questions ou à y répondre. Elle a même organisé une réunion avec les femmes pour expliquer le processus, de sa propre initiative. Elle a encouragé ses sœurs et amies du village à participer.

Claire: Personnellement, quel aspect aimez-vous le plus dans ce projet ?

Ruth: Ce que je préfère, c’est l’aspect genre de toutes les activités, l’approche participative dans laquelle chaque membre de la communauté est impliqué… J’aime beaucoup cette approche. La « parité hommes-femmes » signifie que les femmes seront impliquées tout au long du projet. Les femmes ne jouent pas seulement un rôle central dans la vie de famille, mais elles ont aussi un rôle important à jouer dans l’utilisation des ressources forestières…

Les femmes vont beaucoup plus souvent que les hommes dans la forêt. Chaque jour, elles doivent aller dans la forêt pour ramasser du bois, de l’eau, du pundu pour faire la chikwangue (feuilles de manioc). Je les ai donc vraiment encouragées à participer et je les ai convaincues qu’elles avaient une contribution à apporter. Durant nos sessions de formation des relais communautaires, elles m’ont vraiment impressionnée.

**Pour plus d’informations (en Anglais) sur le projet Forêts communautaires de RFUK, financé par le Département pour le Développement International du Royaume-Uni (DfID), cliquez ici.

2022-06-30T10:34:02+00:00décembre 5th, 2017|
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