Le destin des forêts du Bassin du Congo doit être entre les mains de ses habitants

Le souffle léger de démocratisation qui traverse actuellement le bassin du Congo est largement l’œuvre de la société civile.

En République centrafricaine (RCA), la société civile joue un rôle clé dans la reconstruction du pays. Au Cameroun, elle appuie les réformes démocratiques face aux pressions souvent vives du gouvernement. En République du Congo, la société civile surveille les atteintes aux droits de l’homme commises à l’encontre des communautés autochtones et des voix dissonantes. En République démocratique du Congo (RDC) enfin, elle joue un rôle essentiel dans la fourniture de l’aide humanitaire dans les zones de conflit tout en favorisant le développement social et économique.

En plus de faire campagne pour le renforcement des droits politiques et sociaux, de nombreux acteurs de la société civile dans le bassin du Congo exigent également que les citoyens ordinaires aient le droit de bénéficier des ressources naturelles de leur pays et que ces ressources soient protégées pour les générations futures plutôt qu’accaparées par des élites puissantes.

La défense des forêts constitue un excellent exemple de ces efforts.

Avec près de deux millions de kilomètres carrés, le bassin du Congo est le deuxième massif forestier tropical du monde après l’Amazonie. Véritable grenier pour des millions d’individus, il constitue une importante source de gibier, de fruits sauvages, de légumes, d’épices, de médicaments et de matériaux de construction. Il joue également un rôle crucial dans la régulation du climat mondial et des cycles d’eau.

Bien que les forêts du bassin du Congo soient exploitées depuis longtemps par l’industrie du bois, les chasseurs, les cueilleurs ainsi que les agriculteurs, elles restent largement intactes en comparaison à d’autres écosystèmes forestiers comme l’Amazonie ou la région du Mékong. En Afrique, une inquiétude croissante liée à la demande toujours plus grande en produits agricoles et en bois responsable de la destruction des forêts d’Amazonie et d’Asie du Sud-Est voit le jour. Des millions d’hectares de terres africaines ont été récemment acquis par de grands propriétaires pour l’exploitation de l’huile de palme, du caoutchouc et du cacao.

Le combat pour sauver les forêts du bassin du Congo contre l’expansion des plantations agricoles et de l’exploitation forestière à grande échelle est en grande partie mené par la société civile.

En juillet dernier,  des dizaines de représentants de la société civile du Cameroun, du Congo, de la RCA, de la RDC et au-delà se sont réunis dans la ville côtière de Kribi, au sud du Cameroun, pour partager leurs connaissances et leurs points de vue sur la meilleure façon de protéger ce patrimoine. La réponse invoquée le plus fréquemment était la foresterie communautaire.

« Des femmes et des hommes ont vécu dans ces forêts depuis des générations et ont réussi à les protéger », a déclaré Maixent Agnimbat du Forum pour la Gouvernance et les Droits Humains (FGDH), une ONG basée au Congo. « Avons-nous le droit de leur imposer un mode de vie, les priver de leurs forêts ou nier leurs connaissances traditionnelles ? »

Guy Julien Ndakouzou, du Centre pour l’information environnementale et le développement durable (CIEDD) ​​de la RCA a quant à lui souligné que : « Les individus conserveront la biodiversité, réduiront la déforestation et géreront les forêts de manière durable lorsqu’ils en recevront des avantages réguliers et pourront pleinement participer aux processus décisionnels concernant ces forêts ».

« Une reconnaissance juridique des droits des communautés sur leurs forêts est vitale », a précisé Inès Gady du Comptoir Juridique Junior au Congo : « Lorsque les communautés ne sont pas habilitées à gérer leurs forêts et ne peuvent pas en tirer des bénéfices, elles ne sont pas encouragées à investir sur le long terme dans leur gestion. Pour répondre à ce défi, les communautés doivent être propriétaires de leurs forêts ».

Les participants ont convenu de façon unanime que la foresterie communautaire pourrait contribuer à atténuer la menace pesant sur les forêts du bassin du Congo et améliorer les moyens de subsistance des populations locales. Cette conviction repose sur des preuves solides recueillies dans le monde entier.

Les forêts et les peuples du bassin du Congo sont intrinsèquement liés ; la protection de ces derniers signifie donner une chance aux écosystèmes forestier d’être mieux préservés. Comme l’ont conclu les participants à la conférence, si ceux qui dépendent étroitement des forêts pour survivre ne sont pas pris en compte, sauver les forêts deviendra une promesse vide et lointaine.

Un nombre croissant de recherches démontre que les forêts sont mieux protégées lorsqu’elles appartiennent aux communautés et sont gérées par les communautés qui en dépendent. En 2014 par exemple, le World Resources Institute (WRI) a publié des analyses détaillées attestant des avantages sociaux, économiques et environnementaux importants générés par l’octroi aux communautés de droits fonciers sécurisés.

L’explication est simple : les communautés qui ont des droits sur les ressources les protègent davantage, tandis que les communautés ne disposant d’aucun droit n’ont aucune raison de le faire. Pour Andrew Steer du WRI : « Si l’on veut mettre fin à la déforestation, il faut donner des droits légaux aux communautés ».

Les forêts et les peuples du bassin du Congo sont intrinsèquement liés ; la protection de ces derniers signifie donner une chance aux écosystèmes forestier d’être mieux préservés. Comme l’ont conclu les participants à la conférence, si ceux qui dépendent étroitement des forêts pour survivre ne sont pas pris en compte, sauver les forêts deviendra une promesse vide et lointaine.

Cet article a initialement été publié sur le blog de FERN.

2022-06-30T10:45:30+00:00octobre 4th, 2017|
Go to Top