Intelligence collective ou bêtise collective ?

On parle souvent d’intelligence collective, ou de la manière dont on peut tirer parti des connaissances de chacun pour trouver des solutions que l’on serait incapable de trouver individuellement.

On parle aussi des dangers d’une foule. Nous voyons des personnes dans un groupe se comporter d’une manière qui contredit leur comportement habituel, en opposition à leurs valeurs.

Comment se fait-il que le groupe révèle parfois le meilleur de nous-mêmes et dans certains cas nos pires instincts ?

Commençons par cette histoire amérindienne. Un vieil homme dit à son petit-fils que nous avons chacun deux loups qui se battent en nous. Le premier loup est bon et ne fait pas de mal. Il vit en harmonie avec tous ceux qui l’entourent. Mais le deuxième loup est plein de haine. Il combat tout le monde, tout le temps, sans raison.

Le petit-fils fixe longuement son grand-père avant de demander : « Lequel va gagner, grand-père ? »

Le vieil homme sourit et répond simplement : « Celui que je nourris ».

Alors comment faire gagner le loup enthousiaste, à l’écoute, patient, humble et engagé en situation de groupe ? La réponse est simple : c’est le cadre qui façonne le groupe. Si le cadre est bien défini, avec des règles qui protègent les personnes, on peut espérer faire ressortir le meilleur du groupe. En revanche, si le cadre favorise l’égocentrisme, le pire peut arriver.

Examinons quelques exemples de cadres limitants. Dans une foule, à cause de son anonymat, les individus perdent leur sentiment d’identité et leur responsabilité personnelle. Si une personne commet un acte insociable, d’autres personnes se sentiront autorisées, voire encouragées, à lui emboîter le pas et le mouvement de foule peut conduire à des comportements collectifs parfois complètement irrationnels.

Autre cadre, qui nous est peut-être plus familier : une réunion. Si le cadre privilégie l’expression de celui qui parle le plus fort et stigmatise les fautes, on n’entendra qu’une seule voix. Beaucoup de gens qui auraient des choses à dire resteront silencieux par peur de dire quelque chose de mal et de se faire pointer du doigt.

Le rôle d’un facilitateur, d’un formateur ou d’un gestionnaire est de s’assurer que le cadre est bien défini, qu’il est protecteur et incitatif et qu’il sera respecté. Prenons quelques exemples : lors d’un brainstorming, une des règles les plus importantes dans la phase de production d’idées est que « on accepte toutes les idées, on ne juge pas ». Même si ces idées ne sont pas utilisées à la fin, elles ont peut-être permis de générer de nouvelles idées, ou ouvert de nouvelles voies.

Autre exemple : dans l’holocratie (mode de gouvernance partagée), chacun peut proposer des idées. On discute, on échange, et à la fin, une personne est choisie, au nom du groupe, pour formuler une proposition. A ce moment, la personne ne défend pas sa propre idée, mais imagine l’idée qui correspond le mieux aux échanges qui ont eu lieu. Il n’y a pas de place pour l’ego, on vote pour une idée et non pour une personne.

Les cadres dont je viens de parler sont le fruit d’années d’expérience et ont été clairement définis. Le fait qu’un cadre soit explicite permet d’assurer plus facilement sa mise en œuvre. Au contraire, les cadres défavorables sont souvent informels, fondés sur l’ignorance ou les jeux de pouvoir.

La prochaine fois que vous serez dans un groupe, si rien d’intéressant ne ressort de vos échanges, au lieu de dire que les personnes du groupe ne sont pas performantes, demandez-vous quel type de cadre (formel ou informel) est en place et s’il est adapté à la situation.

 

2022-06-29T14:09:41+00:00septembre 23rd, 2019|
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